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Le 30 novembre 1975 : Quand le Dahomey devint le Bénin, récit d’une révolution politique et idéologique

Par la rédaction de adjatchè.news

Il y a bientôt 50 ans, un événement marquant a profondément transformé le visage politique, idéologique et identitaire de notre nation. Le 30 novembre 1975, le Dahomey, jeune République agitée par des coups d’État à répétition, changea de nom pour devenir la République populaire du Bénin. Ce tournant historique, conduit par le général Mathieu Kérékou, s’inscrivait dans une volonté de rupture radicale avec les désordres du passé, mais aussi dans une quête d’unité nationale et d’affirmation idéologique. Retour sur une révolution singulière et ses implications.

Depuis son accession à l’indépendance en 1960, la République du Dahomey avait sombré dans une instabilité chronique. En l’espace de dix ans, le pays connut pas moins d’une dizaine de changements de gouvernement et plusieurs coups d’État, dans un climat de rivalités régionales et ethniques exacerbées. Les trois grandes figures politiques Hubert Maga (Nord), Sourou-Migan Apithy (Sud-Est) et Justin Ahomadégbé (Sud-Ouest)  se partageaient le pouvoir à tour de rôle dans un système de présidence tournante qui ne fit qu’aggraver la crise.

Cette situation de chaos aboutit en octobre 1972 à un nouveau coup d’État, cette fois-ci conduit par un jeune officier inconnu du grand public : le commandant Mathieu Kérékou. Il renversa le gouvernement civil et s’empara du pouvoir avec le soutien de l’armée.

1972 : L’avènement de Kérékou et l’annonce d’une révolution

Dès sa prise de pouvoir, Kérékou annonce une rupture claire avec le passé. Dans son discours du 30 novembre 1972, il fustige les « valets locaux de l’impérialisme » et promet une refondation totale de l’État sur de nouvelles bases. Pendant deux ans, il dirige seul le pays par ordonnances, consolidant peu à peu son pouvoir, avant de proclamer en novembre 1974 l’adoption du marxisme-léninisme comme idéologie officielle de l’État.

C’est cette annonce idéologique, présentée comme la voie de l’émancipation véritable, qui précipite le changement de nom du pays l’année suivante.

1975 : Du Dahomey au Bénin, un changement de nom lourd de symboles

Le 30 novembre 1975, le régime de Kérékou proclame officiellement la République populaire du Bénin, mettant ainsi fin à la République du Dahomey. Cette décision politique et symbolique repose sur plusieurs fondements :

1. Rompre avec le passé colonial et tribal : Le nom Dahomey, selon Kérékou, faisait référence à un ancien royaume qui n’incluait pas toutes les ethnies du pays. Il représentait, de ce fait, un héritage ethno-historique partiel, voire source de divisions.

2. Construire une identité nationale unifiée : Le choix du nom Bénin visait à dépasser les clivages régionaux. Il faisait référence à l’ancien royaume du Bénin (actuel Nigeria), plus vaste et symboliquement rassembleur, sans lien direct avec un groupe ethnique précis à l’intérieur du territoire national.

3. Affirmer une idéologie nouvelle : En se renommant « République populaire », le Bénin s’inscrivait dans le giron des pays socialistes du tiers-monde, aux côtés de la Chine maoïste, de Cuba ou encore du Vietnam. Ce changement de nom s’accompagnait d’une transformation structurelle : nationalisations, création d’un Parti de la Révolution, réforme de l’éducation, etc.

Ce changement d’identité nationale s’est accompagné d’une réforme en profondeur de l’administration, de l’éducation et de la société béninoise. L’État monopartite devint le seul acteur politique. Le Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB) fut créé pour porter la nouvelle ligne politique.

Dans le même temps, une répression s’installe : les opposants politiques sont emprisonnés ou poussés à l’exil. La surveillance de la population devient systématique, et les libertés publiques sont restreintes.

Cependant, ce régime permit aussi, paradoxalement, de stabiliser pour la première fois le pays sur une durée longue : Kérékou resta au pouvoir jusqu’en 1990, date à laquelle il accepta une transition démocratique pacifique lors de la Conférence nationale.

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